Raila Odinga , la tragédie d’une ambition dévoyée

 Ce qui aurait pu marquer un tournant prometteur dans la politique africaine se transforme peu à peu en un récit amer, révélateur des dérives du pouvoir. Raila Odinga, ancien Premier ministre du Kenya, figure emblématique de nombreux combats politiques qualifiés de progressistes, avait une chance exceptionnelle : celle de devenir le président de la Commission de l’Union africaine (CUA) et d’incarner l’idéal d’une Afrique unie et ambitieuse. Pourtant, cette opportunité semble avoir été sacrifiée sur l’autel du calcul politique et du cynisme.


Sous le slogan porteur de “Raila for Africa”, sa campagne avait tout pour inspirer : promesses d’investissements dans les infrastructures, relance de l’intégration continentale, réponse énergique face aux défis sécuritaires. De quoi éveiller les espoirs d’une population africaine avide de changement. Mais au lieu de s’appuyer sur une vision audacieuse et des propositions substantielles comme son adversaire Mohamoud Ali Youssouf , Raila Odinga semble s’être embourbé dans des pratiques politiciennes douteuses. Selon des accusations récentes, sa candidature serait entachée de scandales de pots-de-vin destinés à acheter le soutien de certains chefs d’État.


Raila Odinga 

Si cette pratique révolte, elle n’a malheureusement rien d’inhabituel dans certaines sphères du pouvoir. L’idée que l’argent puisse l’emporter sur le mérite n’est pas nouvelle. Cependant, voir de telles manœuvres être utilisées pour briguer la présidence de la Commission de l’Union Africaine ( une institution censée symboliser l’unité et l’avenir du continent ) met en lumière un problème systémique inquiétant. Ce recours au clientélisme renforce la perception d’une classe dirigeante africaine trop souvent perçue comme déconnectée des aspirations populaires et focalisée sur ses propres intérêts.


Mais au-delà de l’indignation morale, une question cruciale émerge : quel type de leadership peut offrir un dirigeant qui accède au pouvoir par des moyens aussi douteux ? Une Commission élue à coups de tractations opaques plutôt qu’à travers une adhésion à des idées fortes peut-elle véritablement relever les défis immenses du continent ? Alors que l’Afrique fait face à des crises sécuritaires, économiques et sociales majeures, ce type de gouvernance risque d’accentuer les divisions plutôt que de les apaiser. En agissant de la sorte, Raila Odinga trahit non seulement ses promesses, mais également le potentiel qu’il incarnait. Loin de devenir un symbole de renouveau politique, il alimente l’image désabusée d’une politique africaine où l’argent et les intérêts privés prennent systématiquement le pas sur la compétence et le bien commun.


En effet, cette situation cause un double préjudice : d’une part, elle ternit l’héritage personnel de Raila Odinga, d’autre part, elle fragilise une institution essentielle pour l’avenir de l’Afrique. Une CUA dirigée par un président dont l’élection serait entachée d’irrégularités perdrait toute crédibilité pour promouvoir la transparence et l’intégrité, deux valeurs fondamentales pour le progrès du continent. Raila Odinga avait une occasion unique de devenir un acteur clé dans la construction d’une Afrique plus forte, plus solidaire et plus visionnaire. En cédant à des pratiques de clientélisme, il a non seulement gâché cette chance, mais il a également envoyé un signal déconcertant : celui d’une politique où les principes se négocient au service d’ambitions personnelles.


Enfin, l’Afrique mérite mieux. À l’heure où le continent se trouve à la croisée des chemins entre défis et opportunités, ses dirigeants doivent être choisis pour leur vision et leurs idées, non pour leur capacité à manipuler les rouages du pouvoir. Si la CUA veut être le moteur du développement africain, elle doit commencer par donner l’exemple en se prémunissant des pratiques qui sapent la démocratie et la confiance des citoyens.

Raila Odinga a manqué son rendez-vous avec l’histoire. Mais l’Afrique, elle, ne peut se permettre de manquer le sien.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Djibouti et la France signent un nouveau traité de défense

Communiqué présidence de Djibouti