Djibouti et l’ère numérique des archives , Un tournant stratégique

 Éditorial 

Parler du patrimoine, c’est parler d’identité, de mémoire et de projection dans l’avenir. À Djibouti, l’ouverture de la Semaine Nationale du Patrimoine 2024 marque un jalon crucial dans la réflexion sur ces enjeux, à travers le lancement du colloque international EPAD’24, dédié à l’état et à la modernisation des archives nationales. Une démarche qui, au-delà des annonces et des panels, incarne une véritable stratégie de souveraineté culturelle et de développement.



Les archives sont bien plus qu’un amas de documents historiques. Elles constituent un trésor national, un outil de gouvernance et un levier pour l’éducation et la recherche. Toutefois, à Djibouti, comme dans de nombreux pays du Sud, elles ont souvent pâti d’un manque de moyens et d’une absence de vision stratégique. Entre dégradation matérielle, sous-effectif chronique et difficulté d’accès, leur potentiel est resté longtemps sous-exploité. Mais Djibouti a pris le taureau par les cornes depuis l’inauguration de la bibliothèque et archives nationales et la numérisation de ces archives . Cette citation tirée du discours du président de la république Son excellence Ismail Omar Guelleh de ce jour là reste un marqueur intemporel ” Ces archives demeureront des sources intarissables pour les chercheurs et les intellectuels mais constitueront également des niches d’informations et de témoignages pour les différentes générations » 


En ce sens, l’ambition affichée par la Ministre de la Jeunesse et de la Culture, Mme Hibo Moumin Assoweh, de numériser les archives nationales et de les rendre accessibles, résonne comme une nécessité impérieuse. À l’heure où le numérique redéfinit nos modes de vie, ce projet n’est pas un luxe mais une condition sine qua non pour sauvegarder notre mémoire collective tout en la mettant au service du progrès.


Comme l’a déclaré le Secrétaire Général du Gouvernement, M. Almis Mohamed Abdilahi, les archives ne sont pas qu’un outil d’historien. Elles sont un levier pour la gouvernance et le développement. L’État djiboutien, jeune mais ambitieux, s’est bâti sur une riche diversité historique et culturelle. De la tradition orale aux documents administratifs, des archives ferroviaires aux écrits sur l’indépendance, chaque fragment de notre histoire nourrit un sentiment d’appartenance et de continuité nationale.



Pour souligner le projet inédit réalisé par le Secrétariat général du gouvernement. 

M. Almis a dit que la préservation du patrimoine est une responsabilité collective qui dépasse le seul ministère de la Culture. Chacun, dans son domaine, doit contribuer à protéger notre héritage commun. Cela nécessite une sensibilisation accrue, l’engagement des administrations, et l’implication des citoyens, notamment des jeunes, à travers l’éducation et des projets collaboratifs pour valoriser l’histoire et la culture.


Dans une autre mesure, notre patrimoine , qu’il soit matériel ou immatériel, constitue le reflet vivant de notre identité et de notre histoire collective. Chaque élément, chargé de valeur historique et culturelle, est un témoignage précieux à préserver pour les générations futures. À l'ère du numérique, les efforts de numérisation, comme le transfert de 45 000 documents de la Présidence à la Bibliothèque Nationale, sont cruciaux pour la protection de notre héritage. La digitalisation, au-delà de la simple numérisation, soulève des questions sur la pérennité, la sécurité et la valorisation de nos archives. Le lancement de la nouvelle version de la plateforme eJO, qui donne accès en ligne à 125 ans d’histoire juridique et administrative, illustre cet engagement à garantir la transparence et à préserver notre mémoire collective. Cette initiative témoigne d'une volonté claire de rendre notre patrimoine accessible tout en assurant sa conservation pour les générations à venir.


Or, comment aspirer à un développement durable sans une connaissance approfondie de notre passé ? C’est précisément cette dynamique que l’EPAD’24 entend catalyser. Avec des interventions de haut niveau et des experts nationaux et internationaux, le colloque propose non seulement une évaluation exhaustive mais aussi des recommandations concrètes pour transformer nos défis en opportunités.


Numériser les archives nationales n’est pas qu’un acte technique ; c’est une démarche politique. Cela signifie garantir à chaque citoyen un accès équitable à sa mémoire collective, faciliter le travail des chercheurs et renforcer l’efficience des administrations. Mais au-delà, c’est une affirmation de souveraineté à l’ère de la globalisation.


Car, face au risque de voir notre histoire diluée ou réécrite sous des prismes extérieurs, la préservation de nos archives s’inscrit dans une logique de sécurisation de notre patrimoine et d’autonomisation intellectuelle. Le partenariat avec l’UNESCO, salué par Mme Jay Ralitera, vient ici rappeler que Djibouti n’est pas isolé dans cette quête, mais qu’il s’inscrit dans une dynamique continentale et mondiale.



Le colloque EPAD’24 ne doit pas être une fin en soi mais le point de départ d’un mouvement durable. Les panels d’experts, aussi riches et constructifs soient-ils, vont indéniablement déboucher sur des actions concrètes. Cela passera comme cela a été précisé ce matin par une mobilisation accrue des ressources, une formation renforcée des archivistes et un suivi rigoureux des engagements pris.


Enfin, les archives djiboutiennes sont le reflet de notre identité, mais elles peuvent aussi devenir un moteur de notre avenir. Si le numérique ouvre des horizons prometteurs, il impose également une vigilance sur la protection des données et sur l’équilibre entre accessibilité et confidentialité.


En plaçant les archives au cœur du développement, Djibouti prouve qu’il est possible de conjuguer tradition et modernité, mémoire et innovation. L’EPAD’24 n’est donc pas qu’un colloque : c’est une déclaration d’intention, un signal que notre pays veut se réapproprier son passé pour mieux façonner son avenir.

Sur ce , l’histoire est en marche. À nous de lui donner la mémoire qu’elle mérite.

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